8 septembre 2008

Sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur : hommage à l’Esprit public de Philippe Meyer

Ce n’est plus un secret pour personne, le mot de Cambronne est très 

critique vis à vis des médias audiovisuels français et de leur tendance à brider le débat public. C’est pourquoi, après plusieurs articles invectivan

t le manque de professionnalisme, voire l’incompétence des journalistes chargés de la noble tâche de véhiculer l’information, et avant les nombreux autres de la sorte qui vont suivre, je me dois de montrer que mon propos n’a pas seulement vocation à dénigrer systématiquement toute entreprise audiovisuelle, loin s’en faut. Le pouvoir de la parole et de l’image étant une chose trop important pour n’être confiée qu’à des amateurs (admirez l’analogie !), il est aussi de mon devoir de rendre compte lorsque des gens intelligents, sensés, et dotés d’une conscience très professionnelle, l’utilisent à bon escient.

 

Philippe Meyer, qui présente l’Esprit public tous les dimanches matins à 11h sur France culture, est de ceux-là (sachez-le, la radio est souvent de bien meilleure qualité que la télé…). Pour ceux qui ne le sauraient pas, son émission consiste en un débat sur un sujet d’actualité entre un invité (qui change chaque semaine) et trois consultants permanents que sont Max Gallo, Jean-Louis Bourlanges et Yves Michaud. Cette émission est une des meilleures selon moi, dans la mesure ou elle traite de sujets variés et importants (pas de faits divers, Dieu merci !), présente différents des points de vue, essaie de donner de la consistance et de la hauteur aux événements, et donne la parole à des personnes intéressantes, qui ont le temps de développer leur thèse. Pas de duplex, pas de réaction en direct des auditeurs, pas d’interview, pas de recherche du scoop, généralement pas d’invités « star », pas de nécessité pour les participants d’exprimer leur pensée en moins de 30 secondes, pas 150 sujets traités à la fois, pas de propos approximatifs (aussi bien dans la forme que sur le fond) etc., bref, tout ce qui n’est pas à la mode dans le monde audiovisuel du XXIè siècle. Et pourtant… l’Esprit public est une des seules émissions de radio que j’essaie d’écouter assidûment, et qui donne une réelle valeur ajoutée à l’information tout en stimulant la réflexion de l’auditeur sur l’actualité.

 

Or, à l’occasion des 10 ans de l’émission, le 31 août dernier, Philippe Meyer en a profité pour rendre hommage aux auditeurs de l’Esprit public et établir un diagnostic de la situation actuelle des médias audiovisuels : « L’Esprit public aura dix ans au milieu de cet automne, c’est l’occasion de dire à propos d’une émission dont beaucoup d’augures considéraient que le pari qu’elle faisait d’entretenir une conversation entre des personnes qui essaient de donner à l’actualité l’épaisseur du temps et de la connaissance étaient un pari voué a l’échec, et c’est aussi l’occasion de dire que c’est une des démonstrations – grâce à dieu France culture n’en est pas avare – que la crise que connaissent aujourd’hui les industries de communication est une crise de l’offre et non pas de la demande, et liée au peu d’audace de ceux qui dirigent les chaînes de télévision, même du service public, et non pas à l’absence de curiosité et de disponibilité du public. »

 

Ces propos reflètent tout à fait mon sentiment vis-à-vis de la télévision, dont les programmes qui rivalisent en ingéniosité dans l’idiotie sont bien la preuve concrète que Jean-Baptiste Say avait raison (l’offre crée sa propre demande). Les téléspectateurs n’ont jamais formulé massivement la demande explicite d’un divertissement dans lequel des couples se sépareraient pour tester leur résistance à la drague de célibataires au fort sex appeal, ou encore d’une émission où les participants seraient rassemblés dans un loft, qui plus est chacun avec un secret que les autres doivent deviner… Bref, l’Esprit public, c’est peut-être old school, mais au moins, si ça ne plaira pas à certains, ça aura le mérite de ne pas les abrutir. Moi je dis Merci Philippe Meyer, et vive l’Esprit public !

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