31 août 2012

Cadeau électoral, mesure contre-productive, et cri de désespoir


S’il y a bien une mesure susceptible de faire régurgiter de tous ses cours de science politique un ancien étudiant de SciencesPo., qui, bon élève, avait appris, retenu, et assimilé l’idée selon laquelle le rôle du politique était globalement de penser à l’intérêt général et à long terme, c’est bien le plafonnement du prix de l’essence. 

Existe-t-il seulement une mesure plus démagogique, court-termiste, et à l’encontre du bon sens que celle qui consiste à limiter à la hausse le prix des carburant ? Et encore plus stupide de ne le faire que pendant trois mois ? Donner un caractère permanent à l’initiative aurait au moins eu l’avantage d’ajouter de la cohérence à la stupidité, tandis qu’en l’état cette dernière se trouve esseulée et même mise à nue et sous les projecteurs grâce à l’action du gouvernement, et avec la bénédiction de plus de 80% des Français paraît-il, même des lecteurs du Figaro.

C’est un exemple d’irrationalité collective parfait. Tout le monde s’accorde sur le fait que : l’impact sur les finances personnelles du consommateur est faible (environ 2€ par plein de 40L je crois), d’autant plus après l’été ; l’impact sur les finances de l’Etat est significatif (plusieurs centaines de millions d’Euros de dette supplémentaire) ; ça encourage les gens à prendre leur bagnole polluante au lieu de les encourager à prendre des initiatives plus écologiques (covoiturage, transports en commun etc.) ; tout le monde revient à la case départ dans trois mois, voire même avant si le cours du brut augmente d’ici là. La boucle est bouclée.

Résultat pour les gens : 2€ d’économie dans le mois, de quoi acheter une baguette et demi.

Résultat pour la société : Une dette qui s’alourdit pour RIEN, car aucun investissement n’a été réalisé, ainsi qu’une contribution supplémentaire à l’idée société-cide que l’Etat peut tout alors qu’il ne fait qu’en entretenir l’illusion. Qui est dupe ? Combien de temps ce jeu favori de nos gouvernants consistant à faire une chose et son contraire pour se faire élire va-t-il continuer ? Combien de temps va-t-on continuer de promouvoir les comportements écologiques tout en subventionnant le prix de l’essence ? De lutter contre les fermetures d’usines automobiles et d’encourager les gens à ne pas prendre leur voiture ? De s’opposer à la fermeture des raffineries de pétrole et d’encourager la diminution de consommation de carburant ?

C’est le vice qui caractérise la politique actuelle davantage tournée vers le marketing que vers les idées. Vouloir tout et son contraire, être une girouette qui tourne en fonction du vent très changeant de l’opinion publique et qui cède à ses moindres soubresauts, au lieu de lui apporter ce qui lui manque : une vision stable et durable, un vrai projet de société, guidé par le souci de l’intérêt général à long terme. Mais est-ce seulement possible alors que les élections se multiplient et envahissent même désormais le fonctionnement des partis ? Peut-on porter une vision à long terme de la France alors qu’on est élu pour 5 ans (et donc davantage concernés par sa réélection pendant au moins la moitié du mandat).

Napoléon disait que les hommes de génie sont comme des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle. Aucun homme politique n’est à ce jour prêt à « brûler » pour rendre à la France sa grandeur et lui faire subir les traitements douloureux dont elle a besoin et lui faire voir en face la crue réalité du monde qui se présente à nous.

Finalement, le blocage du prix de l’essence revêt une symbolique très forte sur la capacité des politiques à relancer les forces vives de la France, et une telle mesure est peut-être moins une œuvre émanant de la stupidité qu’un cri de désespoir d’une classe politique en mal de solutions et qui appelle, sans en être consciente, à être évincée.

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