Bien que De Gaulle l’appelait « le
machin », l’ONU fait partie de ces institutions capables de susciter chez
d’aucuns un frisson de fierté type larme-à-l’œil a son évocation. L’ONU, la
sécurité collective, ou le monde des gentils contre les méchants Etats qui
bradent leurs principes au nom de la Realpolitik.
Vanter l’ONU, c’est vouloir la paix, les droits de l’Homme et le droit
international ; et une guerre devient juste dès lors qu’elle obtient la
bénédiction du Conseil de Sécurité.
Et pourtant, pour la nième fois depuis sa
création, l’ONU étale au grand jour son inefficacité à apporter des
solutions à une crise politique majeure, la Syrie. Cette inefficacité est
triple : Incapacité de prendre des décisions concrètes ;
impossibilité de faire respecter aux parties leurs engagements ; difficulté
à imposer ses « observateurs », eux-mêmes accueillis par des coups de
feu et autres attentats.
Sans prise de décisions et
sans moyens de coercition, la tâche s’avère d’autant plus problématique
que les deux composantes de la crédibilité, surtout dans le domaine des
relations internationales sont la détention d’un pouvoir et la résolution à
l’utiliser. Le déficit flagrant de l’ONU dans ces deux dimensions explique que
l’institution n’a au fond jamais été réellement efficace dans la résolution des
conflits internationaux, et a même peut-être été un générateur de conflits (je
m’en expliquerai plus tard).
Cet échec récurrent est tout d’abord dû au
fait que le principe de sécurité collective est un non-sens théorique. Dans un système
anarchique tel que celui des Etats souverains, le pays A ne peut pas faire
reposer sa sécurité sur les autres car il n’aura JAMAIS la certitude que ces
derniers accepteront de lui venir en aide le jour ou il en a besoin. Les
promesses n’engageant que ceux qui les croient, tous les Etats qui
officiellement ne jurent que par l’ONU ne lui accordent en réalité aucune
confiance en matière de sécurité et diplomatie.
La sécurité collective est en outre un
non-sens pratique : Pourquoi dépenser des ressources dans un engagement à défendre
ses voisins alors qu’il est déjà suffisamment difficile d’assurer sa propre sécurité ?
Et ce d’autant plus lorsque l’on n’a strictement aucun intérêt à s’ingérer dans
le conflit en question. Tout cela n’est qu’un vaste jeu de dupes ou les Etats
essaient de se faire porter mutuellement le fardeau des interventions
militaires – coûteuses ! Si en plus on ajoute à cela un cadre légal
tellement strict qu’il n’autorise même pas les casques bleus à faire usage de leur arme, même
en situation de légitime défense (cf. Bosnie), nul n’est étonné de constater
que personne ne veuille consacrer des moyens conséquents aux opérations lancées
au nom de l’ONU. Cela va même encore plus loin, étant donné que des petits
Etats sans le sou se portent volontaires pour ces opérations afin de se faire
payer des équipements militaires par l’ONU, c’est-a-dire par le budget commun
alimente par les autres Etats.
Pour résumer, l’ONU est une coquille vide,
les Etats n’en veulent pas, ou plutôt ils n’en veulent pas pour les raisons qui
ont amené à sa création. L’ONU a une utilité pour les Etats occidentaux, celle
de donner l’illusion à leurs opinions publiques qu’ils agissent pour le Bien,
afin d’assouvir le besoin d’angélisme de la civilisation occidentale qui n’a,
en réalité, pas renoncé à son rêve messianique de guider le monde et de le
mettre sur la voie de la paix durable et de la démocratie. C’est d’ailleurs ce même
angélisme qui consiste à faire croire que l’intervention en Afghanistan se fait
au nom de la libération du peuple afghan du joug des Talibans.
Plusieurs propositions de réformettes de
l’ONU ont été avancées, et notamment la suppression du droit de veto au Conseil
de Sécurité. Mais les défenseurs de cette proposition n’ont pas compris qu’elle
va a l’encontre du principe même de sécurité collective, car il s’agirait de
reproduire au sein de l’ONU un système d’alliances et de rapports de forces (pour
obtenir la majorité qualifiée), que l’ONU devait éradiquer car soi-disant générateur
de conflits.
Or je suis convaincu du contraire, à
savoir qu’un système centré sur la sécurité collective est structurellement
instable, car il empêche la formation d’alliances et de rapprochements entre
nations afin de garantir l’équilibre de
la puissance, seul garant de stabilité. L’ONU substitue les principes aux intérêts
comme fondement de la négociation entre les acteurs internationaux ; or, étant
donné qu’on ne transige pas avec les principes, chacun campe sur ses positions
et la situation n’évolue pas. Le recours à la Realpolitik, au contraire, a souvent permis de réelles avancées diplomatiques:
l’apparition de la bombe nucléaire qui a préservé le monde d’une troisième
guerre mondiale pendant le Guerre Froide ; les accords Israélo-égyptiens
de Camp David en 1978, modèle du genre et toujours en vigueur plus de 30 ans après ;
les accords de Dayton en Bosnie après plusieurs années d’échec de l’ONU ayant
abouti entre autres à l’inaction devant le massacre de Srebrenica et à voir des
casques bleus impunément utilisés comme otages et boucliers humains contre d’éventuelles
frappes aériennes…
Napoléon disait que la haute politique
n’est que le bon sens appliqué aux grandes choses. Là où les principes sont
rois, il n’y a pas de place pour le bon sens, donc pas de place pour l’émergence
de solutions innovantes et adaptées à la réalité des relations internationales ;
ou aux attentes des protagonistes quels qu’ils soient.
2 commentaires:
Pourquoi chercher le meilleur moyen de créer les interventions? Tu dis dans ton article que l'ONU n'est pas la mieux placée pour mener des guerres, or son rôle est justement des les éviter en favorisant la négociation. L'ONU démontre au contraire son efficacité durant cette crise syrienne!
Bonjour,
"Pourquoi chercher le meilleur moyen de créer les interventions?"
=> Je n'ai pas formule les choses ainsi. L'ONU est censee trouver des solutions aux crises et conflits internationaux. Parfois, cela peut se traduire par une intervention militaire, mais cela n'est pas une fin en soi.
"Tu dis dans ton article que l'ONU n'est pas la mieux placée pour mener des guerres, or son rôle est justement des les éviter en favorisant la négociation"
=> Il faudra me dire ou j'ai dit ca parce que c'est extrêmement bien cache dans l'article. Ici encore vous n'avez pas compris le sens de l'article. Evidemment que le but de l'ONU est de favoriser la negociation, mais il n'y a pas de negociation possible si l'institution n'est pas credible; or une composante necessaire de la credibilite est la capacite a mener une intervention militaire efficace.
"L'ONU démontre au contraire son efficacité durant cette crise syrienne!"
=> Ah bon? Allez dire ca aux gens de Homs, Haffe et Hama! Depuis le debut de la crise syrienne et depuis que l'ONU s'est empare du dossier, les affrontements n'ont jamais cesse et des massacres n'ont pu etre empeche. Si c'est cela pour vous l'efficacite, nous avons effectivement des raisons de ne pas etre d'accord.
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