S’il y a bien une mesure susceptible de faire régurgiter de tous ses cours
de science politique un ancien étudiant de SciencesPo., qui, bon élève, avait
appris, retenu, et assimilé l’idée selon laquelle le rôle du politique était
globalement de penser à l’intérêt général et à long terme, c’est bien le
plafonnement du prix de l’essence.
Existe-t-il seulement une mesure plus démagogique,
court-termiste, et à l’encontre du bon sens que celle qui consiste à limiter à
la hausse le prix des carburant ? Et encore plus stupide de ne le faire
que pendant trois mois ? Donner un caractère permanent à l’initiative
aurait au moins eu l’avantage d’ajouter de la cohérence à la stupidité, tandis
qu’en l’état cette dernière se trouve esseulée et même mise à nue et sous les
projecteurs grâce à l’action du gouvernement, et avec la bénédiction de plus de
80% des Français paraît-il, même des lecteurs du Figaro.
C’est un exemple d’irrationalité collective
parfait. Tout le monde s’accorde sur le fait que : l’impact sur les
finances personnelles du consommateur est faible (environ 2€ par plein de 40L
je crois), d’autant plus après l’été ; l’impact sur les finances de l’Etat
est significatif (plusieurs centaines de millions d’Euros de dette
supplémentaire) ; ça encourage les gens à prendre leur bagnole polluante au
lieu de les encourager à prendre des initiatives plus écologiques (covoiturage,
transports en commun etc.) ; tout le monde revient à la case départ dans
trois mois, voire même avant si le cours du brut augmente d’ici là. La boucle
est bouclée.
Résultat pour les gens : 2€ d’économie dans
le mois, de quoi acheter une baguette et demi.
Résultat pour la société : Une dette qui
s’alourdit pour RIEN, car aucun investissement n’a été réalisé, ainsi qu’une
contribution supplémentaire à l’idée société-cide que l’Etat peut tout alors
qu’il ne fait qu’en entretenir l’illusion. Qui est dupe ? Combien de temps
ce jeu favori de nos gouvernants consistant à faire une chose et son contraire
pour se faire élire va-t-il continuer ? Combien de temps va-t-on continuer
de promouvoir les comportements écologiques tout en subventionnant le prix de
l’essence ? De lutter contre les fermetures d’usines automobiles et d’encourager
les gens à ne pas prendre leur voiture ? De s’opposer à la fermeture des
raffineries de pétrole et d’encourager la diminution de consommation de
carburant ?
C’est le vice qui caractérise la politique
actuelle davantage tournée vers le marketing que vers les idées. Vouloir tout
et son contraire, être une girouette qui tourne en fonction du vent très changeant
de l’opinion publique et qui cède à ses moindres soubresauts, au lieu de lui
apporter ce qui lui manque : une vision stable et durable, un vrai projet
de société, guidé par le souci de l’intérêt général à long terme. Mais est-ce
seulement possible alors que les élections se multiplient et envahissent
même désormais le fonctionnement des partis ? Peut-on porter une vision à
long terme de la France alors qu’on est élu pour 5 ans (et donc davantage
concernés par sa réélection pendant au moins la moitié du mandat).
Napoléon disait que les hommes de génie sont comme des météores destinés à brûler pour
éclairer leur siècle. Aucun homme politique n’est à ce jour prêt à
« brûler » pour rendre à la France sa grandeur et lui faire subir les
traitements douloureux dont elle a besoin et lui faire voir en face la crue réalité
du monde qui se présente à nous.
Finalement, le blocage du prix de l’essence revêt
une symbolique très forte sur la capacité des politiques à relancer les forces
vives de la France, et une telle mesure est peut-être moins une œuvre émanant
de la stupidité qu’un cri de désespoir d’une classe politique en mal de
solutions et qui appelle, sans en être consciente, à être évincée.
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